Ce soir, les crêteux ont
un goût amer dans la bouche, pas celui de la bière,
mais un goût d'inachevé. Ce soir on fête le
dernier concert de l'Urban Chaos. Evidemment l'Urban n'était
pas un lieu très "public" mais c'était
un des rares lieux programmant des groupes venus de partout dans
le monde, il n'était pas rare d'y trouver sur scène
des musiciens venant des Etats-Unis, d'Angleterre, d'Allemagne
ou autres pays. Presque toujours une programmation assurée
de faire le plein. Malédiction lilloise, encore un lieu
de concert qui ferme ses portes. Sûr qu'on retrouvera le
Sieur Casquette aux commandes d'un autre lieu dans un proche avenir.
Premiers à ouvrir le bal,
Bomb'X de Boulogne-sur-Mer, mélange de punk et hardcore
avec deux chanteurs, un crêteux et un "casquetteux".
Gros son, textes scandés au coeur même de la foule,
la parfaite machine pour lancer le Grand Pogo.
On monte d'un cran avec les Corons
Puent et leur "Oï Lilloise". Ambiance working class
anglaise qui me rappellent les pérégrinations brittones
de mon adolescence. On est en plein dans le cinéma anglais
de Ken Loach, sauf qu'on est en France, n'empêche que l'Urban,
ce soir-là avec les Corons Puent, se mue en pub anglais.
Les parisiens de Bad Lieutnants
tirent leur nom d'un film d'Abel Ferrara, l'histoire d'un flic
tox et ripoux qui finira par trouver la rédemption après
avoir sondé les tréfonds de l'enfer. Ce soir, l'enfer
est dans la salle, la sueur coule, les pogos se font de plus en
plus soutenus. Les Bad Lieutnants attaquent avec le Sonic Reducer
des Dead Boys et enchaînent les morceaux la poignée
au taquet. Ils ne relâcheront la pression qu'après
un set intense et physique.
De plus en plus violent dans
le cinéma avec Lower Class Brats d'Austin, Texas, ville
plus réputée pour ses bluesmen que sa scène
punk. Eux, c'est au Orange Mécanique de Stanley Kubrick
qu'ils se réfèrent. Bassiste et batteur déguisés
en droogs et chanteur et guitariste au look métalleux,
c'est du bon punk à l'ancienne, joué vite façon
Ramones (ils reprennent d'ailleurs le Beat on the Brat). Ça
devient de plus en plus dingue dans la salle, je suis obligé
de me réfugier sur un coin de scène pour éviter
les corps qui volent lors du pogo d'enfer. Ce n'est d'ailleurs
qu'après un long rappel qu'il quitteront la scène,
laissant devant eux le spectacle de corps anéantis par
la danse des crêtes Mohawks.
Voilà, l'Urban Chaos a
vécu son dernier concert, intense. La scène punk
continuera à vivre sur Lille, sûr que d'autres lieux
prendront le relais.